La mère d’une fillette de 12 ans, lourdement handicapée, entend faire reconnaître devant le tribunal administratif, que des erreurs médicales ont été commises lors de son accouchement au CH Douai.

Chantal David | Publié le15/06/2021 par la voixdunord.fr

Longtemps, Mélissa Blachier s’est sentie bien seule. Il y a d’abord eu la souffrance d’un interminable accouchement le 24 mars 2009. Cette jeune mère isolée n’avait que le soutien de sa mère et dans cette famille modeste d’Aniche, il était inenvisageable d’aller contre l’avis des médecins : « Pourtant j’avais tellement mal  ». L’expert médical indique dans son rapport que l’intensité des douleurs aurait dû alerter. Premier manquement.

Mélissa Blachier est arrivée à la maternité du centre hospitalier de Douai de bon matin. Elle avait 21 ans, elle n’était pas « grossesse à risque ». Shaïneze est née à 22h11 : « Ils ont tout fait pour que j’accouche par voie basse. Mon bébé était bleu, ne respirait plus. Puis Shaïneze a fait des convulsions  ». La mère et le bébé seront transférés à Lens, en réanimation. « Les médecins voulaient la débrancher, me disaient qu’elle allait être un légume, je n’y croyais pas. Elle était si belle  ».

Shaïneze ne parle pas, ne marche pas.
Shaïneze ne parle pas, ne marche pas.

Mélissa Blachier se souvient d’une longue période de déni : « A six mois, un an j’essayais toujours de faire comme si c’était un bébé normal… » ShaÏneze grandit, elle ne parle pas, ne marche pas, est nourrie par sonde. Ce sera comme ça pendant toute sa vie.

21 manquements et 10 millions d’euros

En 2018, Mélanie Blachier rencontre Me Marie-Hélène Carlier, pour un autre litige. Elle parle à l’avocate lilloise de ses soupçons d’erreur médicale. Une action juridique est lancée et un expert médical mandaté. Dans son rapport définitif, le 9 juin 2020, l’expert lie les séquelles neurologiques à un manque d’oxygénation « une anoxie périnatale sévère », répertorie « vingt et un manquements » dans le déroulement de l’accouchement. Il fait le constat terrible, que si, une césarienne avait été pratiquée à midi, Shaïneze aurait eu 100 % de chances d’être en bonne santé.

Me Alexandre Deméyère-Honoré a rejoint la défense de Mélissa Blachier : « Ce qui est insupportable, ce que sans la démarche de ma cliente, il ne se serait rien passé. C’est comme si on avait espéré qu’elle ne se rende compte de rien ».

L’avocat lillois s’agace également que le centre hospitalier n’ait pas répondu à sa demande d’indemnisation à l’amiable. Il est vrai que les sommes en jeu sont colossales. Les avocats demandent dix millions d’euros dont six correspondent au remboursement de frais médicaux engagés par la sécurité sociale depuis la naissance de Shaïneze, et à l’estimation de son accompagnement à vie.

De son côté, l’avocat du centre hospitalier ne s’exprimera pas sur le rapport d’expertise : « Le tribunal administratif est saisi, nous attendons sa décision ». Mais Me Jean François Ségard ajoute : « Je ne peux pas laisser dire qu’il y a eu désintérêt, désinvolture ou négligence. Toute l’équipe médicale a été profondément traumatisée. Ce qui s’est passé est un drame  » Jugement dans dix-huit mois.

Publié dans la Voix du Nord le 15 juin 2021