Par Alexandre DEMEYERE-HONORE, Avocat associé en droit pénal des affaires chez JADH AVOCATS et Frédéric BORON, Avocat associé en droit fiscal chez SMAR’TIME AVOCATS

En février 2023, les médias Français relayaient l’interpellation de plusieurs personnes dans un vaste dossier d’escroquerie au faux président avec un préjudice estimé à plus de 38 millions d’euros.

Ce dossier n’est malheureusement pas un cas isolé et l’on constate, en qualité d’avocat, une multiplication de ce type « d’arnaque » dite aux faux ordres de virement.

Tout peut commencer par un appel téléphonique qui semble provenir d’un cabinet d’avocat d’affaires ou d’expertise comptable ou encore d’un prestataire important comme Google, tout ce qu’il y a de plus sérieux.

Il pourra aussi s’agir d’un simple mail adressé à un DAF ou un service comptable, émanant parfois même de la boite mail (la vraie) d’un dirigeant qui aura été piratée au préalable.

D’autres fois, il s’agira d’un mail émanant d’un fournisseur ou prestataire habituel communiquant de nouvelles coordonnées bancaires.  

En apparence, rien ne permet de douter de quoique ce soit, les escrocs ayant pris soin d’étudier l’organigramme de l’entreprise, les habitudes du dirigeant, sa manière de signer les mail, etc…

Ensuite, il est demandé d’effectuer un virement sur tel compte en banque, dans le cadre du règlement de facture ou d’une opération urgente et sensible à venir. Il est bien sûr demandé au comptable de faire preuve de la plus grande discrétion, pas un mot. A personne.

Le procédé se déroule une fois, deux fois, parfois jusqu’à dix virements effectués en toute innocence par le service comptabilité de l’entreprise.

En général, la demande de virement sera faite en fin de semaine, durant les vacances scolaires ou à la vieille d’un jour férié, pour retarder la découverte de la fraude et permettre au malfaiteur de transférer les fonds vers un pays non coopératif sur le plan judiciaire.

Il faut donc se montrer très attentif à ce type de délinquance astucieuse.

En effet, les appels ou les mails envoyés sont le plus souvent bien écrits, avec le même style et la même typographie que la personne dont la messagerie est usurpée. Les malfaiteurs ont souvent pris le temps d’étudier et d’analyser le fonctionnement interne de l’entreprise tant et si bien que la fraude est difficile à déceler par la personne qui exécutera, en toute bonne foi, le (faux) virement.

Comment s’en prémunir :

  • Il faut sensibiliser les collaborateurs aux risques, notamment de réception de message d’hameçonnage (phishing) visant à dérober les mots de passe.
  • Renforcer la sécurité des messageries pour limiter les risques de piratage, utiliser un pare-feu et un antivirus. Veiller à la mise à jour régulière des ordinateurs.
  • Exiger des mots de passe complexes et en changer régulièrement.
  • Mettre en place des procédures sur les règles d’authentification des émetteurs et de confirmation et également de vérification hiérarchique concernant les demandes de virement imprévues ou les changements de coordonnées bancaires.  
  • Limiter la publication d’informations accessibles au public sur l’organisation de l’entreprise, notamment sur les réseaux sociaux.

Comment réagir si vous êtes victime ?

Si vous êtes victime, il est essentiel de réagir au plus vite, chaque jour passé réduisant considérablement les chances de récupérer tout ou partie de la somme détournée.

Dans un premier temps il convient de lister tous les virements potentiellement suspects et de vérifier si des virements sont en cours d’exécution.

Il est indispensable également de contacter immédiatement sa banque afin de signaler la fraude afin qu’elle puisse éventuellement bloquer les virements en cours.

En parallèle, il convient de repérer la faille de sécurité informatique et de modifier immédiatement les mots de passes des messageries.

Il est également nécessaire de déposer plainte.

Dans un second temps, il conviendra de s’interroger sur l’opportunité d’engager la responsabilité civile de la banque qui a exécuté ce virement.

A cet égard, l’article L. 561-6 du Code monétaire et financier, met à la charge de la banque, un devoir de vigilance constante et d’examen attentif des opérations effectuées.

Le caractère inhabituel des (faux) ordres de virement peut être de nature à engager la responsabilité civile de l’établissement bancaire (par exemple une entreprise qui ne travaille que sur le marché français avec des virements qui ne dépassent jamais les 50.000 euros, qui se retrouve à demander l’exécution de 5 virements vers la suisse pour plus de 500.000 euros).

Fiscalement, les conséquences d’une escroquerie de type FOVI ont été clarifiées depuis un arrêt de la CAA Versailles 7-2-2017 n° 15VE03890, Sté REM Consulting. Ainsi, lorsqu’une entreprise est victime d’une escroquerie causée par les agissements d’un tiers à l’occasion d’une opération entrant dans le cadre de son objet social, l’administration n’est pas fondée à refuser la comptabilisation de la perte correspondante.

La circonstance qu’un dirigeant fasse prendre des risques élevés à son entreprise par sa carence manifeste à opérer les contrôles que le contexte impose avant de procéder à un important paiement lors d’une opération commerciale qui n’est pas exclue de l’objet social de l’entreprise ne caractérise plus un acte anormal de gestion.

Il importe peu que l’opération commerciale ne relève pas de l’activité habituelle de l’entreprise, seul importe le fait que l’opération entre dans le cadre de l’objet social de la société victime.

En tout état de cause, l’assistance d’un avocat, dès que possible, dans de tels événements peut s’avérer très utile afin de préserver vos intérêts.

L’avocat pourra notamment prendre l’attache du Parquet afin que des mesures conservatoires soient au besoin prises, il s’occupera de rédiger et de déposer la plainte mais également de contacter les différents établissements bancaires impliqués.

Si les fonds sont ensuite transférés vers l’étranger il pourra se mettre en relation avec les autorités locales et au besoin travailler avec un avocat maitrisant ce type de procédure dans le pays concerné.

Le cabinet intervient régulièrement dans ce type de procédure et pourra vous assister, dans les plus brefs délais, 7 jours sur 7.